Un jardin de la Ville de Paris
18 hectares de prairies, de fleurs et de futaies
Le Jardin d’Acclimatation – Un Parc naturellement parisien
Un Jardin Anglais à la Française
Hyde Park, la Serpentine, Kew Garden, bien d’autres encore, Napoléon III, en « visite officielle », est tombé amoureux des jardins et des parcs de Londres. Un poumon vert,
de grands arbres, des promenades bucoliques ponctuées de petits temples ou de ruines romantiques, la Reine Victoria ne s’est pas gênée pour lui vanter la supériorité, sur ce point et quelques autres, de la capitale anglaise sur son homologue française, quand bien même Dickens ne dépeindrait pas les bords de la Tamise sous un jour plus aimable que le Paris de Zola.
L’Empereur est jaloux. Il va vouloir imiter et surpasser sa voisine britannique.
Pour créer un jardin anglais à la française, à l’ouest de la capitale, dans ce qu’on va bientôt appeler le Bois de Boulogne et qui va attirer les élégantes en calèches, Napoléon III convoque l’équipe qui, à sa demande, modernise (et sécurise…) Paris. Une fois encore,
le baron Haussmann, préfet de la Seine, Jean-Charles Alphand [1] le fidèle ingénieur
qui réalise les rêves du premier, Gabriel Davioud évidemment, l’architecte, et Jean-Pierre Barillet-Deschamps [2], le paysagiste, vont se retrouver pour faire merveille.
Le souverain suit le chantier de près. L’Empereur s’est piqué dans sa prime jeunesse
de quelques idées révolutionnaires et, souvenir de son passé parmi les carbonari, a même commis un ouvrage ô combien progressiste : « L’extinction du Paupérisme ». Il a lu les livres du jeune Barillet-Deschamps. Celui-ci, influencé par le saint-simonisme et le fouriérisme, inventant tout à la fois les circuits courts, la réinsertion des prisonniers et les économies budgétaires a écrit un opuscule dans les années 1840 à Bordeaux. Il présente une thèse qui repose sur une idée simple : les détenus de la prison girondine vont cultiver
les légumes dont on les nourrira. Ces travaux maraîchers vont les occuper dans le même temps qu’ils permettront à l’administration pénitentiaire d’alléger son budget
« alimentation ». L’idée a plu à Louis-Napoléon Bonaparte avant qu’il ne devienne Président de la République en 1848. L’empereur Napoléon III s’en est souvenu après
le coup d’État de 1851. Il a appelé auprès de lui ce jardinier philosophe.
En hommage à son œuvre, l’allée technique qui, à l’intérieur du Jardin d’Acclimatation, longe l’avenue Maurice Barrès et sépare Neuilly de Paris, porte logiquement son nom.
[1] Ingénieur en chef du nouveau service des promenades et plantations de la Ville de Paris en 1854.
[2] Nommé jardinier en chef de la Ville de Paris en 1854.
Respecter de grands principes
A son initiative, depuis sa fondation en 1860, le Jardin d’Acclimatation applique consciencieusement les principes fondamentaux de l’art paysager dont s’inspireront
les grands parcs du Second Empire : présence centrale de l’eau avec une rivière et un lac qui attirent le soleil, futaies latérales, réseau d’allées sinueuses, parcours de découverte autour de rochers, d’une cascade et d’une grotte romantique, alternance d’espaces ouverts et de recoins secrets.
Mais à partir de la Première Guerre mondiale, le paysage du Jardin va perdre
de son authenticité et son aspect fortement se dégrader pour plusieurs décennies.
On en prélève un hectare pour permettre la construction, en 1972, par l’architecte Jean Dubuisson, Grand Prix de Rome, du Musée des Arts et Traditions Populaires, le « Louvre des Peuples », vers lequel ne convergeront pas, dès la première pierre, les moyens attendus et qui ne trouvera pas son public[3]. On en préempte un autre pour implanter
un bowling dont on dit qu’il accueillera Mistinguett et Maurice Chevalier. On en prend quelques autres qui, interdits au public, deviennent des clubs équestres. Le Parc part en morceaux.
En 2018, LVMH qui a déjà a entrepris, depuis 2006, de construire la Fondation Louis Vuitton, va donc initier un vaste programme de réhabilitation du site permettant de restaurer son dessin originel et de retrouver son patrimoine végétal. Plus de 350 arbres
et 35 000 arbustes, dont des sophoras, sont alors plantés. Nombre de constructions précaires sont détruites, le sol est désimperméabilisé, les engrais et les herbicides non naturels sont bannis, les voitures interdites d’entrée et, plus encore, de stationnement.
Grâce à la recomposition de ses différentes entités paysagères, le parc a retrouvé son identité historique et a renoué avec sa tradition d’acclimatation environnementale.
Sa richesse végétale est tout à fait exceptionnelle : il compte au total plus de 1 800 arbres dont des pins de Chine et des tilleuls de Hongrie, ainsi que 400 chênes et pins noirs d’Autriche, « piliers vivants » de ce temple naturel. Une dizaine de jardiniers passionnés sont chargés de veiller sur cette flore exubérante. La tutelle de la Ville de Paris s’exerce
sur les opérations menées par les agents de la Société du Jardin et financées par LVMH (élagage, plantations, entretien, maintenance)..
[3] Ses collections sont désormais au MUCEM de Marseille.
Une forêt royale et des marais
Cohérence, équilibre, trame, ambiance, perspective, ouverture, constituent les préceptes de base sur lesquels repose la requalification du site. Ceux-ci se déclinent en allées, rivières, berges, lisières, trouées, clairières, vallonnements, belvédères. Devant le regard des visiteurs se déploie la mise en scène d’un véritable théâtre de verdure dans lequel
ils sont amenés à se mouvoir et à se distraire. Un kiosque à musique digne d’une sous-préfecture florissante, un Jardin Coréen, offert par la Ville de Séoul à la Ville de Paris,
de grandes écuries XIXème, un pigeonnier attribué à Gambetta, deux pataugeoires,
un potager et des rochers, une aire de pique-nique, quelques restaurants, un théâtre,
une quarantaine de manèges ponctuent pelouses et bosquets.
L’allée Alphand - ellipse originelle ouverte sur le cœur du site - réapparaît dans toute
sa poésie avec ses ondulations, ses élévations et ses essences variées. Quant à la rivière, elle serpente doucement au sein d’espaces dégagés. Ses berges, plantées de cerisiers, invitent à la flânerie, à la rêverie. Un des objectifs du Jardin d’Acclimatation est précisément de redonner à ce petit cours d’eau, jusqu’alors canalisé, tunnelisé, caché,
son tracé et son lit naturels à la faveur de la construction du Dragon 2,
son nouveau Roller-Coaster.
Dès l’entrée principale, les visiteurs sont plongés dans un environnement végétal ensorcelant qui les convie à déambuler dans la grande allée ou à se perdre dans les sentiers ombragés. L’attention portée aux lisières renforce la relation végétale entre
le Jardin d’Acclimatation et le Bois de Boulogne, lointain souvenir d’une forêt royale, parsemée des marais qui ont donné leur nom au terrain d’assise du Jardin (et ensuite à sa station de métro) : les Sablons... Seuls exceptions à ce charmant désordre, les parterres, devant la Grande Volière, renouent avec l’impeccable ordonnancement, la régularité,
les tapis de fleurs tracés au cordeau et la symétrie versaillaises.
Le soin tout particulier apporté au paysage, notamment par la valorisation des arbres historiques, de la biodiversité et des nouvelles essences adaptées au changement climatique (le manège des speed rockets est entouré de séquoias), s’inscrivent dans une vision globale du parc réfléchie et équilibrée. En effet, le Jardin entretient une correspondance intime entre le végétal et le bâti, grâce à la fusion des éléments naturels et des façades transparentes. Les jeux, les manèges et les attractions sont également sertis dans un écrin végétal et minéral, comme ces rocailles qui évoquent l’art paysager
des siècles passés. Chaque espace est conçu de manière à exprimer une identité spécifique que le visiteur découvre par une immersion sensorielle, en musardant parmi les bananiers de la rivière enchantée, les chênes des incas, les cèdres centenaires
ou les parterres de fleurs.